Tricipitem et Sharlink chevauchaient côte à côte en direction de la grande ville que la jeune fille avait entraperçu la veille. La fraîcheur du matin ainsi que le gris du ciel encore immaculé des feux multicolores de l'aurore imposait un calme serein. Pourtant, celui qui guidait Sharlink était tendu, jetant des regards aux alentours, posant la main sur son arbalète toujours chargée au moindre mouvement suspect.

"Pourquoi es-tu si tendu, Tricipitem ?

Sharlink savait que le garçon était son rival, mais, pour une raison qu'elle ignorait, il la servait comme un petit chien.

- Si Arluiss, celui qui prétend au trône, apprend que vous êtes arrivée, vous vous retrouverez dans ses griffes avant se soir et je mourrai avant la fin de la journée.

- Tu me vouvoies ?

- Vous n'avez pas l'air de saisir. Daimon Dust est le clan le plus puissant.  Te manquer de respect équivaudrait à manquer de respect à Daimon Dust, ce qui signifierait un conflit long et difficile. Tous les membres de DD sont arrivés dans cet endroit depuis bien longtemps, et ils cherchent désespérément leur chef. Vous, en l'occurence.

- Pourquoi Vic ne m'a-t'il pas reconnue, alors ? Il m'a ignorée, hier, au bar.

- Voir un dessin et son sujet sont deux choses différentes.

- Pourquoi est-ce que tu me sers ?

Tricipitem fit piler son cheval.

- Soyons clairs. Ceci est un service, et il faudra payer pour. Mais je préfère savoir que tu es sur le trône plutôt que voir Arluiss y prétendre. Il nous assomme de taxes, et les clans sont maltraités.

Là dessus, ils se remirent en route, sans que Tricipitem ne donne plus d'informations sur la dette que Sharlink allait avoir à son égard.

- Maltraités ? Pourtant ce bar t'appartenait !

- Non. Tout, absolument tout appartient à cette ordure de roi. Il laisse les clans gérer son domaine, mais nous sommes sous la menace constante de son armée. Somme toute, nous sommes des esclaves de luxe. Une fois qu'il ne sera plus de la partie, nous pourrons enfin vivre libres.

- Qu'est-ce que tu y gagnes ? Tu es chef des Assagis. Tant que le roi est au sommet, ton poste est stable, mais si je prends sa place...

- Une république indépendante de votre bon vouloir, et de toute personne extérieure à mon clan. Je ne cherche pas à assurer ma place, je cherche à assurer mes principes. Mais là n'est pas la question. Dès que nous aurons rejoint la ville, nous vous entraînerons pour affronter le roi.

- M'entraîner ? ricana la jeune fille en posant la main sur son katana.

- Je serai curieux de savoir ce que vous valez vraiment avec, rétorqua Tricipitem irrité que la jeune fille continuât à le tutoyer."

Ils arrivèrent devant la ville, à la porte Est, ordinairement gardée par des soldats Assagis. Sauf que là, c'étaient les sbires d'Arluiss qui tenaient la place. Loin avant de pouvoir être aperçu, Tricipitem arrêta sa monture et siffla. Les deux gardes furent relayés par deux autres, et le chef des Assagis s'avança, confiant.

Ils ont été soudoyés. Le roi a réussi à se faire détester de sa propre armée... pensa Sharlink. Les Assagis sont bien organisés. J'ai hâte de voir ce qu'a fait mon clan !

Une jeune fille se porta à leur hauteur. Tricipitem se tourna vers la prétendante au trône et déclara :

"Ici s'arrêtent mes pouvoirs. Je règne sur la campagne, mais cette ville est trop dense pour que le roi puisse nous empêcher d'établir des micro-bases. Je te présente Mirage. Elle t'entraînera."

Et sans plus de manières, il détala hors de la ville.

"Il se prend trop au sérieux, dit Mirage alors qu'elle prenait les bribes du cheval de Sharlink. Il est mégalo comme c'est pas permis.

- Où allons-nous ? demanda Sharlink, modérément confiante.

- Dans notre repaire."

Les rues étaient bondées, mais personne ne semblait reconnaître Sharlink. Loin au-dessus des toits s'élevait l'imposante silhouette du château royal, Res-Dîr, où, la jeune fille n'en doutait plus, elle avait sa place sur un trône.

A suivre !