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Des histoires de Seuls
De Tricipitem Aquilae — 25 septembre 2017 à 21h42
When I ruled the world
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L'or emplit les rues un instant, se réfléchissant dans les fenêtres, rebondissant sur les murs, envahissant les rues et plongeant la cité dans la lumière.

Surpris par la soudaine chaleur dans son dos, il se tourna et traversa la petite chambre vers la fenêtre grande ouverte. Il leva la tête, là haut, tout là haut sur les tours dorées qui brillaient au crépuscule, il vit les drapeaux flotter au vent, pérennes. Des couleurs qu'il avait chéri, porté, amené dans des lieux improbables, magnifiques, dévastés, abandonnés ou surpeuplés. Longtemps avant, le soleil couchant embrasait l'emblème de son fourreau lorsqu'il se tenait sur le balcon de ce château, longtemps avant, l'épée qui régnait sur ces rues était la sienne.

Il inspira l'air du soir alors que l'or faisait resplendir l'azur du ciel, il tourna la tête et vit son visage dans un miroir. Ses mèches blanches étaient devenues hirsutes, ses traits s'étaient creusés, et ces épaules qui autrefois avaient porté la gloire et la fierté ne retenaient plus que des loques et une âme emplie de mélancolie.

Lorsqu'il se tourna à nouveau vers les hautes tours qu'il avait érigées et qu'un autre occupait désormais, le soleil frôlait l'horizon et l'or se repliait. Le vent était tombé et avec lui les drapeaux s'étaient rapproché de leur mât. Aussi simplement que le vent faiblit et aussi surement que le jour se finit, son règne s'était éteint. Ces murs, ces rues, ces ors et cette fierté n'étaient plus les siennes ; il les avait élevées, bâties, mais cela n'avait pas empêché un autre de les prendre, et bientôt, tous l'avaient oublié, lui, ses loques et ses cheveux hirsutes.

L'ombre de la fin du jour grignotait les murs de la forteresse, comme la tristesse pourrissait son coeur. Un jour, il avait tout, l'amour, la force, la reconnaissance ; le lendemain, il était mendiant, quémandant pour une nuit dans une peau de bête plutôt que sur la pierre, cherchant sa pitance dans les caniveaux, ignoré de tous et méprisé de la plupart. Même les yeux qu'il chérissait au-dessus de tous s'étaient tourné vers un autre.

Il quitta le panorama et avança vers la table de chevet, se saisit d'une fiole. Une seule gorgée, la promesse que ce serait la dernière. La dernière fiole, la dernière morsure au fond de son estomac, l'ultime silence et enfin le noir absolu ; la promesse que son âme se dissoudrait, qu'il n'en resterait rien, qu'il pourrait enfin se fondre dans ce néant qui l'avait appelé depuis les tréfonds alors qu'il était au sommet. Il déboucha, et but d'une traite.

L'encre emplit les rues un instant, se réfléchissant dans les fenêtres, rebondissant sur les murs, envahissant les rues et plongeant la cité dans l'ombre.

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