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Des histoires de Seuls
De Lathos — 5 octobre 2017 à 20h53
Inktober 5 - Jeux
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-Echec et mat, murmura le plus petit. 

L'autre fit tomber son roi, d'un coup de doigt, et regarda le plus petit. Champion - on disait, en tout cas. Mat en sept coups. Le grand avait mal joué, il le savait très bien. Il n'avait pas le niveau. 

-Et vous faites quoi dans la vie ? demanda le grand. 

-Moi ? Je conseille les gens - militairement, mais aussi diplomatiquement parlant. Je vois ça... comment dire ? Comme un jeu. Appelons ça le jeu de la mort. Je décide qui vit, qui meurt, et qui reste dans un statut oscillant entre les deux. 

Il balaya d'un coup de main son incroyable long manteau de soie rouge, et se retourna pour regarder la cheminée, dont les flammes crachaient toutes leurs étincelles. 

-Je fais jeter des gens au feu, si vous voulez le voir comme ça. Diane - vous vous rappelez sûrement de la révolution de Novembre, il y a trente ans, qui a transformé Salem en Yrlac, contrôlée par les Dernières Familles, puis plus tard par un gouvernement volontaire ? -, c'est moi qui ai décrété de son châtiment. Et Lucius, mort vingt-sept ans plus tard - il y a trois ans de celà -, lors de l'attaque du Monastère de Néosalem XIV, dans les contreforts du désert Aryiis ? Moi aussi. Je pense qu'il ne serait pas erroné de dire que je suis actuellement l'enfant le plus puissant des Limbes - et croyez-moi, je ne suis pas parti de rien. 

-Vous avez un nom aussi, je suppose ? 

-Friedrich Wallenstein, répliqua le petit. Mon nom ne doit pas vous être inconnu ? Ou alors me connaissez-vous comme Frédéric de Valence, lors de la crise de Fribourgie. Mais je sens que vous aimez côtoyer la puissance... Alors je vais vous raconter la puissance. La puissance... Avoir des gens à son obéissance. D'une quelconque manière. Pour moi, ça s'est fait d'abord par la popularité - la mondanité, si vous préférez, puis par la force. Disons qu'être le chef d'un des plus grands micro-états de l'empire... 

-J'aimerais que vous me parliez de vous en particulier... Disons, de ce "jeu", comme vous l'appelez, de la révolution de Novembre... 

-Un grand jeu, en effet. Un grand échiquier dont je suis le maître - et je contrôle les deux camps. Plusieurs personnes sont tombées, la plupart du temps par ma volonté. Des gens très connus pour certains... Peut-être vous remémorez-vous l'histoire du suicide de monsieur le général Viltrassen ? Un jeune garçon, mais déjà vieux, qui avait connu la vie, la mort... et l'amour. Je ne l'ai pas tuer. Je l'ai poussé au suicide. En le privant de ce qui comptait pour lui - famille, ami, habitudes... Je ne lui ai laissé qu'une seule chose dans son esprit... 

-Quoi donc ? 

-Baudelaire. 

Wallenstein se retourna vers le feu. 

-Disons que je suis comme une araignée. J'ai tissée une toile - ou plutôt, j'ai peint une fresque. Des évènements pour certains mal finis. Je les ai raconté de différents points de vue - des fois, juste des anectodes, comme celle de Lucius, qui m'a été relaté par un camarade, qui racontait à l'un de ses disciples la mort de Diane... Et d'autres basées sur des faits plus importants - si vous saviez tout ce que la mort de Viltrassen a engendré... Tout ça, c'est comme un jeu pour moi. Je vais préciser mon allégorie.

Il s'effondra sur le siège, regarda le grand, et continua. 

-Je joue à plusieurs jeux en même temps. Mais tous font partie d'un même tournoi. Un tournoi si complexe que vous ne pourriez même pas voir la partie émergée de l'iceberg. Les règles ne sont pas fixées, elles évoluent, et je les manipule à mon aventage. Il n'y a pas de limites - ou alors je ne les vois pas. 

Il intimidait le grand. Bien. C'était en grande partie le but. 

-Je pourrais être gentil, continua Wallenstein. Vous laisser entrevoir un maigre bout de la vaste fresque... Un coin. Une querelle, une anectode, ou un évènement d'importance. Conteur - voilà un métier qui m'irait fort bien, n'est-ce pas ? 

-Levez le voile sur cette fresque, monsieur Wallenstein, s'il vous plaît.

-Vous voilà motivé ! Bon. Vous allez être comblé. 

Wallenstein était en extase. Il adorait se vanter. Et ça ne faisait que commencer. 

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