Le crépuscule plongeait l'horizon dans les flammes, jetant sous les nuages de longues lames ocres. Ce n'était pas l'or d'un coucher de soleil hivernal, c'était le sang de l'automne qui se jetait sur les feuilles des arbres, sur les sols et sur les volets ; portait semblait-il, par la bise grise de l'hiver, qui sifflait entre les troncs. Par la fenêtre, le feu descendant entrait dans la pièce, où régnait l'odeur des vieilles boiseries. Du salpêtre avait blanchi les poutres du plafond, sur le bureau et sur les murs, les portraits photo, en noir et blanc, de personnes depuis longtemps disparues.
Dans ses mains lisses attendait une lame tirée au clair, funestre présage sur lequel le couchant venait jeter un reflet sanglant.
Le battement de l'horloge dans la pièce voisine n'attendit pas.
Il tourna la tête.
Une grande armoire d'ébène aux gravures fendues par le temps, qui portait le reflet de la pièce ; abîmé, noble.
Il repoussa son assise et, s'appuyant sur le pied du lit, il tira l'étoffe de velours qui gardait secrète les repos et les affaires de couche, déployant un nuage de poussière qui vînt souligner les derniers rayons du jour finissant.
Un instant, devant la blancheur des draps, se souvînt-il de celle pareillement immaculée des perce-neige au printemps. Peut-être, aussi, ses doigts fermés sur la tenture s'animèrent un instant comme sur le crin, ses oreilles s'attendirent-elles à entendre quelques notes dans l'air chaud de juin, et dans son épaule la douce caresse de celle, de celui, qui y avait trouvé refuge, le temps d'une berceuse.
Peut-être se souvînt-il de la chaleur des couleurs flamboyantes du printemps, peut-être, face à la floraison, entendit-il les oiseaux dans le silence ; dans le vent entre les branches, le son discret d'une flûte.
L'obscurité tomba dans la pièce du plafond. Glissant sous la fenêtre, le froid couvrit le sol. Dehors, la lumière sanglante avait laissé s'installer, dans son dernier instant de gloire, les lourds nuages obscurs de la nuit.
Il s'allongea, la lame sur le coeur, écouta le souffle continu du vent abattre une à une les feuilles qui tenaient encore aux arbres ; et dans l'obscurité grandissante, il entendit les premières gouttes glisser sur la vitre, laissant dans leur sillage la marque cristalline de l'hiver.
Il ferma les yeux.
C'était hier, l'été ; voici l'automne.