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Des histoires de Seuls
De Fenryr — 16 décembre 2017 à 16h27
Chroniques centuriennes, pour une poignée de cartouches P.1
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Il est de ces journées où l'on sait dès l'aurore que ça risque d'être très, très vite le foutoir.

Et ces jours là, c'est à moi qu'on fait appel.

 

Cela faisait deux années que mon enrôlement chez les Centuriens avait eu lieu. Au cours de ces deux années, ma principale activité fut d'aller jusqu'à un lieu hostile, me battre, et rentrer à la forteresse afin de soigner mes blessures et rendre mon rapport.

Deux années, plus de trente enneakisiens tués ou prisonniers, et dix neuf rebelles octiens écroués. Je détenais le tableau de chasse record de la Centurie. J'étais encore plus meurtrier que Maxime. Voilà pour ma fierté.

Mon galon avait lui aussi été frappé d'aérophagie. En plus de la lance et du bouclier d'argent que je portais sur la poitrine, mon treillis était frappé de la plume de cygne noir des chefs de fratrie et de la douille de 5.56 des sergents d'arme. Grosse promotion, donc. Un peu dû à de la chance, honnêtement.

Alain, mon ancien sergent, avait été pris au cours d'une embuscade tendue par des enneakisiens bien renseignés. Maxime m'avait chargé de le retrouver et de l'achever. Il connaissait l'emplacement de la forteresse et de la plupart de nos avant postes, il était donc peu envisageable de le laisser se balader dans la nature.
Il m'avait fallu une semaine entière de traque avant de l'atteindre. Finalement, une balle dans la tête mit fin à sa carrière. A mon retour, une cartouche gravée m'attendait sur ma couchette. Je venais de devenir le n°2 de la Centurie.

Cette journée de début d'automne avait pourtant commencé plutôt bien, quand j'y repense.

Après un entraînement au maniement de l'épée, les novices de la Centurie recevaient leur « exercice logistique » quotidien : faire le ménage, préparer le repas, entretenir les armes et équipements et faire des pompes si le boulot était mal fait. Pas très spirituel, mais la pédagogie n'a jamais été le fort des instructeurs impériaux.

Le temps pour nous de souffler. Je recevais la liste des demandes d'affectations de l'armée, ainsi que les comptes rendus de mon escouade quand je sentis une présence derrière moi.

- Joseph, Maxime veut te voir.

Je me retournais et fixais sévèrement le jeune garçon roux flamboyant qui se tenait dans l'ombre de l'arcade.

- Tu veux sans doute parler du commandant, hein, Stephan ?

Il baissa les yeux, gêné.

Octien depuis son arrivée dans les Lymbes, Stephan était l'auxiliaire attitré de mon escouade. Ses compétences de forgeron lui avait permis de vivre un peu mieux que la moyenne de ses semblables. Mais de fréquentes insolences de sa part risquaient de lui valoir de gros ennuis.

- Je suis désolé, maître sergent.

- Tes excuses ne changeront rien si tu te fais prendre à de telles familiarités. Je t'apprécie, mais d'autres n'hésiteraient pas en employer le fouet pour t'apprendre le respect de la hiérarchie.

Il se rétracta comme un animal apeuré. Je me fis plus doux.

- Il est dans son bureau, j'imagine.

Hochement de tête.

- Il a dit quelque chose ?

- La radio est cassée, et il y a un soucis sur le ravitaillement, je crois. Le maître sergent Elias est déjà là bas.

Maxime avait donc convoquer deux sergents d'arme.

La situation nécessitait donc cinquante guerriers centuriens. Ça ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose.

Avec appréhension, je me dirigeai vers l'aile de commandement.

 

Mais si j'avais su, je pense que ce jour là, j'aurai simplement déserté.

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