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Des histoires de Seuls
De Malike — 19 avril 2019 à 17h29
Dans les cellules du Maître-Fou (2/2)
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- Merde, laissa échapper Dodji.

Que s’était-il passé, putain. Est-ce qu’il avait réussi ? À assaillir Néosalem, lui et les zombies, peut-être ? Les questions tournaient dans son esprit, lui collant un vertige, et soudain, il pensa à Camille, à Edwige et Anton, à tous les autres restés à Néosalem. Est-ce qu’il leur était arrivé quelque chose ? Est-ce qu’ils étaient en danger ?

Il entendit l’autre remuer sans un mot, et s’éloigner de lui. Sa respiration grimpa d’un cran quand il heurta la limite du mur ; Dodji réalisa soudain qu’il avait dû l’entendre jurer, qu’il devait savoir qu’il y avait quelqu’un.

- L-laissez-moi sortir.

À son timbre, il semblait lui-même abasourdi de l’ordre qu’il donnait. Dodji secoua la tête pour lui-même :

- On peut pas sortir. Il nous a enfermés.

Un bref silence.

- Je te connais, dit le sage.

Il était trop sûr de lui pour permettre le doute, Dodji acquiesça :

- Je m’appelle Dodji. Vous m’aviez interrogé, avec les autres, pour savoir si j’étais l’Enfant-minuit.

- Le garçon qui avait tenté de s’enfuir ?

Il avait remué. Malgré le calme de Dodji, il ressentait dans la voix du sage la terreur de se retrouver là, mal camouflée. Il parlait bizarrement, quelque chose de plus rauque dans sa voix que ce dont il se souvenait, comme s’il était tombé malade.

- Ouais, moi, répliqua Dodji.

- Qu’est-ce que je fais ici ? Où sommes-nous ?

- Je sais pas exactement. C’est des espèces de prisons, mais je sais pas comment il les crée, c’est...

Soudain, la colère et la peur l’envahirent, alors qu’il poursuivait :

- Je sais pas, merde, je sais même pas depuis combien de temps je suis ici ! C’est ce gars, en rouge, le Maître-Fou... Achille voulait m’utiliser comme appât, mais...

- Attends, attends un instant. Le Maître-Fou ? Achille ?

Dodji entreprit de lui raconter, la voix cassée, ce qu’il s’était passé, ce qu’il avait vécu. Il sentait au fur et à mesure de ses explications la peur qui s’insinuait, lorsqu’ils furent aussi bien à même de réaliser l’un que l’autre leur sort et le danger que courraient les autres. Il s’était interrompu pour lui demander ce qui était arrivé à ses amis ; entendre que Néosalem avait été assaillie, et pire encore, apprendre la transformation de Camille et la dernière image de Leila entraperçue par Lucius, le mirent dans un profond désespoir. Il se leva pour frapper violemment le plafond en pierre à la recherche d’une trappe inexistante, et poussa un long hurlement quand son poing heurta la roche.

- Dodji ! l’appela le voisin de cellule.

- D-Dodji, calme-toi, nous devons réfléchir à... !

- Réfléchir à quoi ?? Et s’ils étaient en train de transformer tout le monde, hein ? Comme dans ce putain de Monolithe dont tout le monde parle ! On peut pas rester ici, ils... !

Un sanglot se brisa dans sa poitrine.

- ... ils ont déjà eu Camille...

Il se sentit glisser contre le mur, ses bras y cherchant vainement une prise, son dos voûté. Ses pleurs étaient presque des hurlements, il ne pouvait pas les arrêter. Camille... Leila, Edwige, putain... Putain, il pouvait pas... juste, rester là, il... Il aurait pu hurler et empoigner le Sage, mais quelque chose en lui en était toujours incapable, bloqué par la façon dont il avait entendu sa voix vibrer lorsque les noms des deux autres Sages avaient traversé ses lèvres. Alors, il mit un coup de pied au mur. Un second coup de pied. Et qu’est-ce qu’il en avait à foutre, de se briser les os, il y avait quelque chose de... tellement rassurant, d’une certaine façon, dans la douleur. Ses cris se calmèrent, pour cette série de coups. Parfois suivis d’un hoquet.

Il frissonna quand il sentit une main se poser sur son dos.

- Arrête, ordonna doucement la voix de Lucius.

Le Sage resta droit quand Dodji fit volte face pour le serrer contre lui. Il l’entendit juste expirer un souffle, parce qu’il pressait trop fort, parce qu’il n’y avait personne d’autre, parce qu’il fallait que ça s’arrête.

- Dodji, il faut que tu te calmes.

Ça, plus que n’importe quoi, sut s’y faire un chemin. Ce n’était pas un raisonnement débile, c’était un fait. Il avait besoin de se calmer, de rassembler ses idées. Trop de fois, déjà, il avait laissé ses nerfs prendre les devants. Ça leur avait presque coûté Lucie, ça lui avait presque coûté tous les autres, et à présent, sa fugue en moto lui paraissait l’acte le plus irréfléchi et irresponsable. Mais il ne pouvait pas culpabiliser. Il fallait qu’il se calme. Il s’écarta de Lucius. Il ne voyait que partiellement son visage, ce regard figé et froid qu’il avait tant vu chez Sélène et Alexandre. Il le vit acquiescer, approbateur. Soudain, cette distance lui paraissait presque rassurante.

Le voisin de cellule n’osait pas dire un mot.

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